Thèmes
relevés
Il faut avoir l’amour du raisonnement
Socrate
: Commençons par nous mettre en garde contre un accident
dont il nous faut éviter d’être les victimes…
Phédon : Quel accident ? – Socrate
:C’est de devenir des « misologues » comme
il arrive à certains d’être des misanthropes
; attendu, qu’il n’est pire mal que celui là
dont on puisse être victime, pire mal que d’avoir
pris en haine le raisonnement. Or c’est de la même
tournure d’esprit que procèdent « misologie
» et misanthropie. (Phédon §89) |
Prépondérance de la parole sur l'écrit
Socrate
: ce qu’il y a même en effet sans doute de terrible
dans l ‘écriture, c’est , Phèdre,
sa ressemblance avec la peinture : les productions de celle
ci ne se présentent elles pas comme des êtres vivants,
mais ne se taisent elles pas majestueusement quand on les interroge?
Il en est de même aussi pour les discours écrits
: on croirait que ce qu’ils disent ils y pensent ; mais
si on les interroge sur tel point de ce qu’ils disent,
avec l’intention de s’instruire, c’est toujours
pareil qu’ils répondent, toujours la même
chose ! D’autre part, une fois écrit, chaque discours
s’en va dans tous les azimuts aussi bien vers les gens
qui s’y connaissent que vers ceux auxquels il ne convient
pas du tout ; il ne sait pas à quelles gens il doit s’adresser
ou non. Et quand il est critiqué ou injustement vilipendé,
il a toujours besoin de son père, car il est incapable
tout seul, et de se défendre et de se porter secours
à lui même. ((Phèdre §275) |
Le mythe de Theuth sur l’invention
de l’écriture
Socrate : ce qu’on
m’a donc conté c’est que dans la région
de Naucratis, en Egypte, a vécu un des antiques Dieux
de ce pays là, celui dont l’emblème consacré
est l’oiseau qu’ils nomment Ibis, et son nom est
Theuth ; c’est lui me disait on qui inventa le premier
les nombres et le calcul, la géométrie et l’astronomie,
sans parler du trictrac et des dés, et enfin précisément
les lettres de l’écriture.
Or
il se trouve qu’en ce temps là l’Egypte
entière avait pour roi Thamous , pour eux le Dieu Ammon,
qui résidait dans la région de cette grande
ville du haut pays que les grecs appellent Thèbes d’Egypte.
Theuth
s’étant rendu près du roi, lui présenta
ses inventions, en lui disant que tous les égyptiens
allaient en bénéficier. Alors le roi l’interrogea
sur l’utilité que chacune pourrait bien avoir,
et, selon que les explications lui paraissaient satisfaisantes
ou non, il blâmait ceci ou louait cela. Nombreuses furent
assurément à ce qu’on rapporte, les observations
que fit Thamous à Theuth, dans l’un et l’autre
sens, au sujet de chaque art et dont une relation détaillée
serait bien longue.
Mais
quand on en fut aux lettres de l’écriture «
Voilà dit Theuth la connaissance, Oh roi, qui procurera
aux Egyptiens davantage de science et de souvenir ; car le
défaut de mémoire et le manque de science ont
dorénavant trouvé leur remède ! »
A quoi le roi répondit « Oh, Theuth, découvreur
d’arts sans rival, c’est une chose de mettre au
jour les procédés d’un art, et c’est
une autre chose de réaliser l’utilité
et le lot de dommage qu’ils vont entraîner pour
les hommes appelés à s’en servir. Toi,
maintenant ,en ta qualité de père des lettres
et de l’écriture tu accordes à ton enfant
un pouvoir opposé à celui qu’il possède.
Car cette invention, en dispensant les hommes d’exercer
leur mémoire, produira l’oubli dans l’âme
de ceux qui en auront acquis la connaissance ; confiants dans
l’écriture, ils chercheront à l’extérieur,
grâce à des caractères étrangers,
et non plus en eux et grâce à eux mêmes,
le moyen de se souvenir ; en conséquence ce n’est
pas pour la mémoire, c’est plutôt pour
la procédure du ressouvenir que tu as trouvé
un remède.
Quant
à la science, c’est son illusion et non la réalité
que tu procureras à tes élèves ; lorsque
en effet grâce à toi ils auront réussi
sans apprentissage à se pourvoir d’une connaissance
abondante, ils se croiront compétents en une quantité
de choses, alors qu’ils seront dans la plupart incompétents
; en outre ils deviendront de fréquentation insupportable
parce que, au lieu d’être vraiment savants, c’est
seulement savants en apparence qu’ils seront devenus.
(Phèdre § 274)
|
On ne découvre pas mais on se ressouvient
Ménon
: Qu’entends tu par cette assertion que nous n’apprenons
pas et que ce que nous appelons apprendre, c’est se ressouvenir
? Peux tu m’enseigner comment cela se fait qu’il
en soit ainsi ?- Socrate : Menon je te disais
que tu es un mauvais drôle : voilà qu’à
présent tu me demandes si je suis à même
de donner un enseignement, moi qui dis qu’il n’y
a pas d’enseignement, mais un ressouvenir (Ménon
§82) |
Exemple
Socrate : Dis
moi donc mon garçon, n’avons nous pas là
l’espace de quatre pieds ? Tu te rends compte ?
Le serviteur : Mais oui
Socrate : Or ne pourrions nous lui en adjoindre un
second, celui ci qui lui est égal ?
Le serviteur : Oui
Socrate : Puis un troisième celui ci égal
à chacun des deux autres ?
Le serviteur : oui
Socrate : Mais ne devrions nous pas en outre combler
l’espace ici dans le coin ?
Le serviteur : eh, absolument !
Socrate : or est ce que quatre espaces égaux
ne seraient pas ainsi constitués , que voici ?
Le serviteur ;oui
Socrate : Et l’espace ainsi déterminé
combien de fois est il plus grand que le premier ?
Le serviteur : Il est quatre fois plus grand
Socrate : Or c’est un espace double que nous
avons à réaliser, t’en souviens tu ?
Le serviteur : eh absolument
Socrate : mais n’y a t il pas la cette ligne
qui , d’un coin à l’autre coin coupe en
deux chacun de ces espaces ?
Le serviteur oui
Socrate : Ne voilà t il donc pas quatre lignes
égales entourant l’espace que voici ?
Le serviteur : Les voilà
Socrate : Observe maintenant : quelle est la grandeur
de cet espace ?
Le serviteur : je ne me rends pas compte !
Socrate Etant donnés ces quatre espaces est
ce que chacune des lignes n’a pas retranché une
moitié à l’intérieur de chacun
d’eux ?
Le serviteur : oui
Socrate : Or l’espace entouré combien
contient t il de telles moitiés ?
Le serviteur : Quatre
Socrate : Et combien l’espace que voici ?
Le serviteur : Deux
Socrate : Or qu’est ce que quatre par rapport
à deux ?
Le serviteur : C’est le double
Socrate : Alors de combien de pieds est cet espace
ci ?
Le serviteur : il est de huit pieds
Socrate : En partant de quelle ligne se construit
il ?
Le serviteur : En partant de celle ci
Socrate : N’est ce pas à partir de celle
qui va d’un coin du carré à l’autre
?
Le serviteur : oui
Socrate : Cette ligne les savants l’appellent
« diagonale ». Par conséquent, si son nom
est diagonale, alors, serviteur de Ménon, ce serait
en partant de la diagonale que se construit l'espace double.
Le serviteur: eh oui, absolument.
(Ménon §
84)
|
:Le mythe de la caverne
Socrate
à Glaucon : Pour la condition de notre propre naturel
sous le rapport de la culture ou de l’inculture, figures
toi une situation telle que celle ci : Représente toi
des hommes qui vivent dans une sorte de demeure souterraine
en forme de caverne…. (La République II514) |
La vraie beauté n’est que mathématique
Socrate
: …par « beauté des formes » je n’entreprends
pas d’alléguer cette beauté qu’allègueraient
précisément la plupart des gens, celle des êtres
animés ou des peintures qui les représentent.
Mais je veux parler de quelque chose de droit , c’est
le cas de le dire, et de circulaire, et aussi , à supposer
que tu me comprennes ,de tout ce qui, plan ou solide, justement
en partant de ces figures est aussi bien fait au tour qu’au
moyen de la règle et de l’équerre. Car ce
ne sont pas là, je le dis, des beautés relatives,
ainsi que le sont les autres beautés ; mais il est dans
la nature de ces choses d’être, par elles mêmes,
belles toujours et de comporter des plaisirs qui leur sont propres.
(Philèbe § 51) |
Nul n’est méchant volontairement
Socrate
: Je suis en effet , pour mon compte, bien près de croire
qu’il n’y a pas un seul sage à juger qu’il
y ait un seul homme qui commette des fautes de son plein gré,
et qui, de son plein gré, réalise des actes laids
et mauvais. Tout au contraire les sages savent parfaitement
que tous ceux qui font des choses laides et mauvaises, les font
malgré eux.(Protagoras § 346) |
A
peu près tous les défauts que l’on appelle
intempérance dans les plaisirs et dont on fait reproche,
comme s’ils venaient de leur gré aux méchants,
sont autant de reproches injustifiés; méchant,
nul ne l’est en effet de son gré, mais c’est
par quelque vice de constitution corporelle, ou par la maladresse
de ceux qui l’ont élevé, que le méchant
devient méchant ; or à tout homme ce sont là
des accidents inopinés et qui ne lui arrivent que contre
son gré. (Timée 86) |
L’égalité
peut être de forme ou de fond.
…entre des esclaves et des
maîtres, l’amitié ne peut jamais s’établir,
et pas davantage la voix publique ne doit honorer de la
même façon des hommes sans valeur et des gens
de bien, car, à moins que l’on n’atteigne
la juste mesure, l’égalité entre conditions
inégales se changera en inégalité ;
et, de fait, en vertu de ces deux causes réunies,
les organisations politiques s’emplissent de dissensions.
Il est de bon ton et tout à fait juste le vieil adage
qui dit que l’amitié est un effet de l’égalité
; seulement comme on n’est pas très bien fixé
sur la sorte d’égalité qui est capable
précisément de produire cet effet, l’adage
en question est pour nous une très troublante source
de profonde incertitude.
Il
y a en effet deux espèces d’égalité,
portant toutes deux le même nom, mais qui en fait
sont à de nombreux égards presque opposées
:
- l’une peut être employée par n’importe
quel état suffisamment organisé et par n’importe
quel législateur pour la promotion aux dignités,
à savoir en les distribuant par le tirage au sort
et en jugeant que l’égalité résulte
de la mesure, ou du poids ou du nombre.
Quant
à l’égalité la plus vraie et
la meilleure, celle là, ce n’est plus n’importe
qui qui peut la comprendre ! Il y faut en effet le discernement
de Zeus ; mais celui des hommes est bien faible, et pourtant,
pour les états et pour les particuliers, chaque fois
qu’ils auront ce discernement en quantité suffisante
ce sera toujours une source de biens :
- celui qui vaut davantage doit avoir plus, celui qui vaut
moins doit avoir moins, en proportion exacte pour chacun
d’eux de ce que vaut sa nature ; accordant aussi,
comme de juste, de plus grands honneurs à ceux dont
le mérite est le plus grand, et de moins grands honneurs
à ceux qui se révèleront inférieurs
en mérite et en éducation ; bref attribuant
aux uns comme aux autres proportionnellement la part qui
convient (Les Lois VI 757)
|
Commettre l’injustice est pire que
de la subir
Polos
: N’est ce pas, je pense, celui qui périt injustement
qui, à la fois, est malheureux et mérite la pitié
? – Socrate : il l’est moins Polos
que celui qui le fait périr, moins même que celui
qui périt justement ! – Polos
: par exemple ! Et comment ? – Socrate
: En ce sens ci que le plus grand des maux est de commettre
l’injustice - Polos : Est ce effectivement
le plus grand ? Etre victime de l’injustice, n’est
ce pas un mal plus grand ? – Socrate
: Point du tout ! – Polos : Alors toi
tu aimerais mieux être victime de l’injustice, plutôt
que de commettre l’injustice ? – Socrate
: Pour ma part je n’aimerais mieux ni l’un ni l’autre.
Mais si, forcément, il devait y avoir ou injustice commise,
ou injustice subie, je choisirais de la subir plutôt que
de la commettre. (Gorgias §469) |
On est moins malheureux quand on expie sa peine
Socrate
: Or, Polos,, d’après mon opinion à moi,
celui qui commet l’injustice et est injuste, si de toutes
façons il est malheureux, est cependant plus malheureux
encore dans le cas où il ne paye pas la peine de ses
injustices et n’en reçoit point le châtiment,
mais moins malheureux dans le cas où il en paye la peine
et doit aux Dieux, comme aux hommes, d’avoir reçu
cette peine. (Gorgias § 472) |
On rend son ennemi malheureux en le privant
de châtiment
Socrate
: supposons qu’on ait à faire du mal à quelqu’un,
qu’il s’agisse d’un ennemi ou de n’importe
qui d’autre, il faut par tous les moyens s’arranger,
dans ses actes et dans ses paroles, à faire qu’il
ne paie pas la peine de son injustice et qu’il n’aille
pas trouver le juge ; et, s’il y est allé, il faut
tout mettre en œuvre pour que cet homme, qui est notre
ennemi, échappe à la peine et ne paie pas sa dette,
mais plutôt que, s’il a abondamment pillé
de l’argent, il ne restitue pas cet argent, qu’il
le dépense au contraire d’une manière injuste
et impie, tant pour lui même que pour les siens ; si enfin
c’est la mort que, cette fois, ses injustices ont méritée,
il faut encore tout mettre en œuvre pour qu’il ne
meure pas, pour que, bien plus, cela n’arrive même
jamais, mais que lui qui est méchant devienne immortel
; et sinon pour qu’il vive le plus longtemps possible
dans la condition où il est. (Gorgias § 480) |
L'objet en soi: trois est impair mais il
n'est pas tout l'impair
Socrate…j’en
donne pour exemple le nombre trois, sans parler de beaucoup
d’autres. Or examine la question pour trois : est ce qu’à
ton avis il n’est pas toujours désigné,
et par son nom à lui et par celui d’impair, quoique
l’impair ne soit pas ce que trois est précisément
? Il n’en reste pas moins que telle est , peut on dire,
la nature et de trois et de cinq et de la moitié toute
entière de la série des nombres, que toujours
chacun d’eux, quoique n’étant pas ce qu’est
précisément l’impair, est cependant impair.
Inversement, 2,4, et toute entière encore l’autre
série de nombres, quoique n’étant pas ce
qu’est précisément le pair, sont toujours
cependant, chacun un nombre pair. (Phédon §104) |
La hierarchie des différents biens
l’Athénien
:…il y a deux sortes de bien : les uns sont des biens
humains les autres des biens divins. Les premiers dépendent
de ceux qui sont divins, et, si un état a reçu
en partage ceux qui sont les plus grands, il possède
aussi ceux qui sont moindres ; tandis que, s’il n’en
est pas ainsi, il est privé à la fois des uns
et des autres. Pour ce qui est des moindres biens, c’est
la santé qui ouvre la marche ; en second lieu vient la
beauté ; au troisième rang c’est la vigueur,
appliquée à la course aussi bien qu’à
tous les autres mouvements qui s’opèrent au moyen
du corps ; au quatrième enfin la richesse, non point
aveugle mais plutôt au regard perçant, pourvu qu’entre
elle et la pensée réfléchie il y ait concomitance
. Le premier maintenant des biens divins, celui qui vient en
tête, c’est la pensée ; à la seconde
place c’est la sagesse mesurée que la réflexion
accompagne ; de ces deux premiers biens combinés avec
le courage, naîtrait le troisième dans l’ordre
: la justice ; le quatrième bien c’est le courage.
(Les lois I §631) |
Les trois besoins de l’homme
Je
constate que chez les hommes tout dépend de trois sortes
de besoins et désirs, dont ils tirent des bienfaits quand
ils les conduisent bien, et inversement quand ils les ont menés
de travers. Or ces besoins et désirs fondamentaux sont,
dés la naissance, le manger puis le boire : instincts
innés dans leur ensemble chez tout animal et qui pareils
à des taons et sans vouloir rien entendre ne cessent
de piquer celui qui ne peut rien faire d’autre que de
satisfaire à ces besoins et ces désirs. Mais il
y a en nous un troisième besoin, particulièrement
impérieux, une troisième appétition qui,
si elle se lance à la charge la dernière de toutes
avec une incomparable vivacité, rend malgré tout
l’homme enflammé de passion : c’est celle
qui , embrasée d’une violence sans mesure, se rapporte
à la procréation de l’espèce. (Les
lois VI § 782) |
L’art oratoire n’est que flatteries
Socrate
:…C’est sur le même terrain et par rapport
aux mêmes objets que sophistes et orateurs s’entremêlent
; on est incapable de savoir à qui on va avoir affaire
; ils ne le savent pas eux mêmes à l’égard
d’eux mêmes, ni le reste du monde à leur
égard. C’est que, si l’âme ne commandait
pas au corps, mais que ce fut le corps qui se commande lui même,
que si l’âme n’avait pas une vue d’ensemble
de l’art culinaire et de l’art médical en
les distinguant bien, et si c’était au contraire
le corps qui doive les départager en se fondant sur le
seul plaisir qu’ils lui apportent, alors, mon cher Polos,
ce serait en plein le thème d’Anaxagore : ce serait
la confusion complète dans un mélange de ce qui
relève de l’art culinaire et de ce qui relève
de l’art médical ! Voilà donc comment je
vois l’art oratoire : il est pour l’âme comme
l’art culinaire et pour le corps comme l’art médical.
(Gorgias §465) |
Le mythe d’Aristophane sur l’existence des homosexuels
Aristophane
:Tous ceux d’entre les hommes qui sont une coupe de cet
être mixte qu’alors justement on appelait androgyne,
sont amoureux des femmes, et c’est de ce genre que sont
issus pour la plupart les hommes qui trompent leur femme ; de
même à leur tour toutes les femmes qui aiment les
hommes, et de ce genre proviennent les femmes qui trompent leur
mari ! D’autre part, toutes celles de ces femmes qui sont
une coupe de femme primitive, celles la ne font pas grande attention
aux hommes, mais c’est bien plutôt vers les femmes
qu’elles sont tournées, et c’est de ce genre
que proviennent les tribades. Tous ceux enfin qui sont une coupe
d’un mâle originel recherchent les moitiés
mâles….(Le Banquet §192) |
Le corps entrave à la connaissance
Socrate
: Le moyen , semble t il d’être le plus prés
de la connaissance, c’est d’avoir le moins possible
commerce avec le corps, pas davantage d’en tenir compte,
à moins d’y être obligé, pas davantage
de nous laisser contaminer par sa nature , mais au contraire
de nous en purifier, jusqu’au jour où la divinité
en personne nous en aura délivrés. Ainsi nous
voilà purs, séparés des errements du corps,
appelés alors, c’est probable, à être
admis au sein de réalités analogues, et c’est
par nous tous seuls que nous connaîtrons cette pureté.
Or c’est probablement cela qui est le vrai, car il n’est
pas bon de laisser en contact l’un avec l’autre
ce qui est pur et ce qui est impur. (Phédon §67) |
La maitrise des désirs
Socrate
:…voilà pourquoi ceux qui philosophent au sens
exact du terme s’abstiennent sans exception de tous les
désirs qui se rapportent au corps : en face de ceux ci,
plein de fermeté, ils refusent de se mettre à
leur discrétion ; presque indifférents, en ce
qui concerne la perte de leur patrimoine et la pauvreté,
aux frayeurs qu’éprouvent à cet égard
ceux qui aiment les richesses ; ne redoutant d’autre part,
pas davantage, comme cela arrive aux amis du pouvoir et des
honneurs, l’exclusion des charges ni la déconsidération
qui résulte de la misère ; en conséquence
de quoi ils s’abstiennent de ces désirs. (Phédon
§ 82) |
La tromperie se justifie si c'est dans un
but louable
Socrate
à Glaucon : Très souvent il faudra que ceux qui
commandent aient recours à la fausseté et à
la tromperie, dans l’intérêt de ceux qui
sont commandés. Or nous disions, je crois bien, que toutes
ces choses là sont utilisables à la façon
des remèdes – Et c’était à
bon droit certes – Et maintenant encore dans les mariages
et dans la procréation des enfants, le bon droit en question
n’est pas une chose de minime valeur- Comment donc ?-
Il faut, répondis je , d’après ce dont nous
sommes convenus, que, le plus souvent possible, ce soit l’élite
des hommes qui ait commerce avec l’élite des femmes,
et, au contraire, le rebut avec le rebut ; que les rejetons
des premiers soient élevés et non ceux des seconds,
si l’on veut que le troupeau garde sa qualité éminente
; et en outre que toutes ces dispositions, quand on les prend,
soient ignorées de tout le monde, sauf des magistrats,
pour que la troupe animale dont ils sont les gardiens soit,
au maximum, exempte de toute dissensions. (La république
V 459) |
L'amour se justifie par la procréation
et non par le seul plaisir
L’athénien
: …quelle que soit la façon, plaisante ou sérieuse,
dont les plaisirs de cet ordre doivent être conçus,
la conception en doit être celle ci : le plaisir qui s’y
rapporte semble, selon la nature, avoir été accordé
au sexe féminin et au sexe masculin quand ils vont l’un
à l’autre s’unir en vue de la génération,
tandis qu’est contre nature la copulation des mâles
avec des mâles, ou des femelles avec des femelles ; et
c’est l’incontinence dans le plaisir qui a inspiré
un tel acte à ceux qui l’ont osé les premiers.
Or tous nous accusons précisément les Crétois
d'avoir été les inventeurs de l'histoire de Ganymède:
comme c’était une tradition accréditée
qu’ils tenaient de Zeus leurs lois, ils ont mis cette
histoire sur le compte de Zeus afin justement ,quand ils cueilleraient
à leur tour le fruit de ce plaisir, de pouvoir prétendre
suivre la loi du Dieu ! Aussi bien laissons tomber ce racontar
(les lois I 636) |
l
La femme est la réincarnation d'un
homme imparfait
Cette
condition supérieure était le sexe qui par la
suite serait appelé viril. Mais une fois que dans les
corps les âmes se trouveraient nécessairement
installées , tantôt des apports, tantôt
des pertes se produiraient dans le corps leur appartenant
: en premier lieu c’est la sensation qui viendrait nécessairement
s’ajouter, commune à toutes du fait de ces impressions
violentes ; en second lieu apparaîtrait le désir
mêlé au plaisir et à la peine, et outre
ces passions apparaîtraient aussi la frayeur et la colère
et celles qui leur font suite, de même que toutes celles
qui par leur nature se tiennent à l’opposé
: les dominer serait vivre avec justice ; en être dominé,
ce serait l’injustice.
Et
celui qui aurait convenablement vécu pendant un temps
donné, retournerait au ciel pour y mener une vie bienheureuse
et conforme à sa condition.
Si
au contraire il échouait dans cette épreuve,
à la seconde naissance il changerait de nature pour
celle d’une femme ; et si , en ce nouvel état,
il ne mettait encore pas fin à sa malice, selon son
vice il se changerait indéfiniment , à la ressemblance
de sa tournure naturelle, en une bête de naturel semblable
(Timée § 42)
|
La croyance en la sagesse de tout le monde
est pernicieuse.
...
c’est par la musique qu’a débuté chez
nous , avec la croyance en la sagesse de tout le monde pour
juger de toutes choses, l’esprit de révolution
; et la culture libérale lui a emboîté le
pas ! Aucune crainte en effet ne les retenait, puisqu’ils
se croyaient savants, et cette absence de crainte a enfanté
l’impudence : c’est que, par audace, ne pas redouter
l’opinion de qui vaut mieux que nous, voilà précisément
l’impudence détestable, celle qui est l’effet
même d’une liberté dont les audaces ont été
poussées à l’excès. (Les lois III701) |
La patrie doit être pieusement honorée
Socrate : …la patrie est chose plus auguste,
plus sainte, de plus haute classe, tant auprès des Dieux
que des hommes raisonnables. Elle doit être pieusement
honorée et, plus qu’à l’égard
d’un père, il faut, quand la patrie se fâche
contre vous, lui céder, lui donner des marques de soumission.
On doit ou bien la convaincre ou bien alors faire ce qu’elle
aura ordonné, et subir sans tergiverser tel traitement
qu’elle a prescrit de subir, que ce soit d’être
frappé de verges ou chargé de chaînes, que
ce soit d’aller à la guerre pour y trouver blessures
ou mort. (Criton § 51) |
La loi du nombre est mauvaise
Socrate
: Lysimaque, est ce de celle des deux thèses qui aura
obtenu l’approbation de la majorité d’entre
nous que tu as l’intention de t’accommoder ?-Lys
: Y aurait il Socrate un autre parti à prendre ?- Soc
: Et toi, Mélésias, est ce aussi celui que tu
prendrais ? Supposons que, concernant la formation gymnique
de ton fils, tu sois en train de te livrer à quelques
délibérations sur les exercice qu’il faut
lui faire pratiquer, est ce la majorité d’entre
nous que tu en croirais, ou bien celui qui se trouverait avoir
été formé par un bon maître de gymnase,
sous la direction duquel il se serait exercé ? –
Mélésias : Celui là selon toute vraisemblance,
Socrate- Soc : Autrement dit tu l’en croirais davantage
que nous qui sommes quatre ? – Mel : sans doute !- Socrate
: Je pense que si l’on veut faire un bon arbitrage, on
doit se fier plutôt au savoir qu’au nombre ! –
Mel : Comment le nier !- Soc : Donc voilà pour commencer
le point à considérer précisément
: y a t il oui ou non l’un de nous qui soit compétent
sur la question dont nous délibérons ? Et s’il
y en a un , c’est celui là qu’il faut croire,
lui qui est seul, et laisser de coté les autres ; mais
s’il n’y en a pas un qui soit compétent parmi
nous, alors adressons nous ailleurs. (Lachès §184) |
L'homme de bien parle dans un but précis
Socrate
: l’homme de bien, celui qui vise au meilleur quand il
dit ce qu’il dit, n’est ce pas la vérité
qu’il ne parlera point au hasard, mais ayant les yeux
fixés sur un objet précis ? C’est le cas
par ailleurs de tous les professionnels : chacun ayant les yeux
fixés sur l’ouvrage qui est le sien, ne choisit
pas au hasard, pour appliquer à l’ouvrage qui est
le sien, ce qu’en fait il y applique, mais il fait cela
de façon que l’œuvre qu’il réalise
possède une forme bien définie. Tu peux à
ton choix, envisager l’exemple des peintres, celui des
architectes, des constructeurs de bateaux, de tous les autres
professionnels, celui d’entre eux que tu voudras : chacun
d’eux se propose un certain ordre quand il met à
sa place chacune des choses qu’il a à placer, et
il contraint l’une à être ce qui convient
à l’autre, à s’ajuster à elle,
jusqu’à ce que l’ensemble constitue une œuvre
qui réalise un ordre et un arrangement. (Gorgias §503) |
La vie modérée est préférable
à la vie incontinente
….l’homme
qui sait ce que c’est qu’une vie sagement modérée
, la jugera sous tous les rapports pleine de douceur : car si
les plaisirs qu’elle procure sont effectivement modérés,
les peines aussi y sont d’intensité modérée
et ne comportent pas de passions furieuses, tandis qu’une
vie d’incontinence est sous tous les points de vue pleine
d’irritabilité : car si les plaisirs y sont intenses,
elle entraîne aussi des peines intenses, les désirs
y sont comme aiguillonnés par la piqûre d’un
taon, et les passions d’une fureur qui dépasse
tout ce qui est possible ; dans la vie sagement modérée
les plaisirs surpassent les ennuis, tandis que dans la vie incontinente
ce sont les peines qui en nombre, en grandeur et en densité
surpassent les plaisirs. D’où il résulte
que nécessairement la première de ces vies sera,
conformément à la nature, la plus agréable,
et la seconde, de même la plus chargée de peines.
(Les Lois V §733) |
Même le méchant sait voir qui
vaut le mieux
.... il
ne faut jamais faire peu de cas de la bonne ou de la mauvaise
opinion que les autres se font de notre valeur morale ; autant
la masse a en fait de penchants à se laisser glisser
loin de la vertu véritable, autant est il réel
en revanche que , même chez les méchants, il existe
en elle une divine sûreté de coup d’œil
pour discerner quand il s’agit des autres, tous les pervers
et tous les gens de bien ; en sorte qu’un très
grand nombre d’individus, fussent ils de ceux dont la
perversité est extrême, distinguent parfaitement
dans leurs propos comme dans leurs jugements, ceux des hommes
qui moralement valent mieux ou valent moins. (Les Lois XII 950) |
Ce n’est qu’aux gens âgés
qu’apparaissent les bienfaits de la vertu.
...quand tu auras convenablement mis
à l’épreuve les réponses que je
t’aurai envoyées, je serais bien surpris qu’il
n’y ait pas pour toi un grand changement concernant
tes problèmes actuels. Donc il faut avoir confiance
dans cette façon de faire. Il n’y a pas de danger
en effet que tu puisses un jour ni mener, ni confier à
Archédème, une correspondance qui soit ou plus
belle ou plus agréable aux Dieux.
Prends
en tout cas tes précautions pour que jamais ceci ne
vienne à tomber dans les oreilles d’hommes sans
culture ! Car peut être n’y a t il pas à
mon sens d’enseignements qui , plus que ceux là,
puisse prêter à rire au vulgaire quand il les
écoute ; il n’y en a pas non plus en revanche
qui, pour les hommes bien doués, soient plus admirables
ni qui témoignent davantage d’une inspiration
divine : on peut les donner plus d’une fois, on peut
les entendre constamment et pendant nombre d’années,
et c’est à peine si, pour les purifier comme
le feu purifie l’or, on a besoin de beaucoup travailler
!
Mais
ce qu’il y a de merveilleux la dedans, écoute
le : c’est qu’il y a des hommes en grand nombre
qui les ont entendus, hommes capables de les avoir appris,
capable d’autre part de les avoir retenus, et, après
les avoir mis à l’épreuve, de porter sur
eux, de toutes façons un jugement décisif :
hommes déjà vieux, qui les ont entendus plus
de trente ans, et qui maintenant se disent que ce qu’ils
jugeaient jadis être le plus incroyable du monde leur
apparaît à présent comme étant
ce qu’il y a de plus croyable et de plus lumineux, tandis
que ce qu’ils jugeaient jadis le plus croyable, ils
voient maintenant que c’est tout l’opposé.
(Lettre II 314)
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Les cinq facteurs de la connaissance
Les
facteurs indispensables de la connaissance sont au nombre
de trois, et un quatrième est la connaissance elle
même ; pour ce qui est d’un cinquième,
il faut admettre que c’est précisément
l’objet de la connaissance en soi.
Premier facteur : le nom ;
Deuxième facteur : la
définition ;
Troisième facteur : l’image
représentée ;
Quatrième facteur : la
connaissance.
Mais
si vous voulez maintenant comprendre ce que je veux dire envisagez
cet exemple : le cercle.
- D’abord c’est la chose qui a pour nom le mot
même que nous prononçons à présent.
- Vient en second lieu la détermination de la chose
en question, définition qui est composée de
noms et de verbes : c’est ce qui est dans tous ses points
à égale distance quand on part de la périphérie
pour aller vers le centre ; c’est bien la définition
de ce que nous appelons un rond, une circonférence
ou un cercle.
- En troisième lieu il y a ensuite la figure qu’on
dessine, qu’on efface, qu’on tourne au tour et
qui se détruit : possibilité impossible avec
le cercle en soi auquel se rapportent toutes ces images, parce
qu’il n’a pas la même nature.
- En quatrième lieu il y a la connaissance et la compréhension
de cet objet. Et tout ceci fait un seul bloc qui n’est
pas constitué par les sons que l’on profère,
pas davantage par la figure matérielle mais par sa
conception dans l’esprit par quoi il est manifeste que
la nature en est autre que celle du cercle en soi et des trois
facteurs dont il a été question précédemment
; mais d’un autre coté c’est la compréhension
qui approche le plus près du cinquième facteur
tant pour la parenté que pour la ressemblance, tandis
que les autres s’en éloignent davantage.
Ce
sera la même chose à propos des figures droites
ou circulaires, à propos des couleurs, à propos
du bon, du beau du juste, aussi bien qu’à propos
de tout objet matériel, que ce soit un objet fabriqué
ou bien une chose de la Nature comme le feu, l’eau,
et tout ce qui est du même genre, à propos aussi
de tout vivant sans exception, comme à propos du comportement
intérieur des âmes, enfin à propos de
tout état absolument soit de passivité soit
d’activité. (Lettres VII 342)
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